Archives mensuelles : février 2022

Ruşan Filiztek, de l’Anatolie à la Mésopotamie

© Hugo Gester

Concert-récital de Ruşan Filiztek, chant, saz et oud, avec François Aria guitare flamenca, Artyom Minasyan duduk – au 360 Music Factory, dans le cadre du Festival Au fil des Voix.

Sur le petit plateau du 360 Paris Music Factory sont posés les différents saz du musicien et chanteur kurde Ruşan Filiztek, élégants luths à cordes pincées de différentes tailles, au manche fin et long. On y trouve aussi son oud, ainsi que la guitare flamenca de François Aria et les duduk de Artyom Minasyan, musiciens qui le rejoindront après sa longue introduction musicale.

 Ruşan Filiztek fête son premier album en solo sorti sous le label Accords Croisés, nous le fêtons avec lui. Le saz qu’il fait sonner avec tant de dextérité, le plus ancien instrument d’Anatolie attesté depuis deux mille ans, est un instrument qui s’est déplacé sur les grands espaces des nomades de la steppe. On le trouve en Iran, en Irak du Nord, au Caucase, en Crimée chez les Tatars, en Grèce, et dans une partie des Balkans. Il entre aussi dans certains rituels sacrés et, dans la culture kurde, accompagne le poète et le barde ainsi que les chansons populaires traditionnelles.

Né à Seyhan, près d’Adana au sud de la Turquie, de parents kurdes, Ruşan Filiztek apprend le saz, enfant, avec son père qui était musicien amateur. Il étudie ensuite la musique à l’Université de Sakarya, dans la ville turque du même nom et à l’Université de Marmara, à Istanbul où sa famille s’est installée quand il avait neuf ans. Il s’y initie à divers instruments comme le oud, le kumbust – instrument à cordes kurde, mélange de banjo et de oud – et le daf kurde. Avant son arrivée en France où il s’est posé en 2015, il a sillonné les pays où la culture kurde s’est enracinée. Au-delà de la Turquie, c’est en Syrie, Irak, Iran, Arménie et Géorgie qu’il a cherché les mélopées de ses origines.

© Hugo Gester

À son arrivée en France, Ruşan Filiztek étudie l’ethnomusicologie à la Sorbonne et se fait vite reconnaître par sa musicalité propre et ses compositions. Il chante dans de nombreuses langues y compris dans la langue araméenne du peuple assyro-chaldéen qu’il a découverte en s’intéressant à la minorité des chrétiens d’orient. Il a pris part à de nombreux projets dont Orpheus XXI, plateforme européenne d’intégration professionnelle et de promotion envers les musiciens réfugiés, de niveau professionnel, pilotée par le grand spécialiste de la musique baroque, Jordi Savall. Il collabore avec Solon Lekkas, chanteur traditionnel originaire de Lesbos, en Grèce, et y vivant, spécialiste des chansons dites Aman ou Amanede, des anciennes chansons Karsilamas et des Zeibekiko qu’il interprète en grec, kurde et turc ; avec le réalisateur Tony Gatlif dans son film Djam qui fait revivre le rebetiko, cette forme d’expression proche du blues, particulièrement populaire dans le milieu des exilés d’Asie mineure, dans la Grèce des années 1920 ; avec le groupe breton Kazut de Tyr qui au cours de ses déplacements, fait des recherches sur les sonorités d’Europe Centrale et du Moyen-Orient et après un voyage au Kurdistan d’Irak présente son nouvel album, Jorjuna, avec la participation de Rusan Filiztek. Ce dernier chante et joue dans de nombreux groupes et festivals, en France, en Europe et au Moyen-Orient, initie lui-même de nombreux projets musicaux. Il reçoit en 2019 le Prix des musiques d’ici, dédié aux artistes issus des diasporas et aux artistes français travaillant sur les répertoires musicaux des diasporas qu’ils côtoient.

Sur la scène du 360 Music Factory, pôle d’associations et d’entreprises culturelles, Ruşan Filiztek ce stranbej comme on le nomme, autrement dit diseur de mélodies passe de l’instrumental au vocal avec précision, profondeur et élégance et décline les chants et mélodies d’Anatolie et de Mésopotamie. Une voix douce et puissante, subtile et soutenue, enveloppe les chagrins autant que les espoirs. Il est entouré du guitariste de flamenco François Aria avec qui il a enregistré un album en duo et du joueur de duduk Artyom Minasyan, qui gonfle ses joues comme réservoir d’air pour jouer de cet instrument exigeant, à anche double et à la sonorité grave et nostalgique. Avec émotion, Ruşan Filiztek recompose son Orient et chante en kurde, turc, araméen, arménien, arabe, diversifie les langues et les régions du monde et s’il ne parle pas toutes ces langues il en interprète magnifiquement la musique.

© Hugo Gester

L’association Au fil des Voix dont l’objectif est de promouvoir les grandes voix du monde d’aujourd’hui représentantes d’une culture, et les créations musicales transculturelles, œuvre à la promotion de la diversité culturelle. Elle propose un rendez-vous annuel sous forme de festival. L’édition 2022 vient de se terminer au Trianon, par une soirée dédiée aux artistes afghans, De Kaboul à Bamako. Par la mutualisation des moyens avec d’autres professionnels, aujourd’hui le 360 Music Factory, Au fil des Voix met en relation les différents intervenants de l’industrie musicale, les concerts et les spectacles.

Ruşan Filiztek est aujourd’hui à l’honneur et vient de donner un magnifique récital-concert. Son premier album en solo, sorti en octobre dernier, s’intitule Sans Souci. Pour celui qui l’a minutieusement préparé, soigné, rêvé, un premier album est toujours une fête. Il est accompagné par le label Accords Croisés, bureau de concerts, maison de production et label, dont l’angle de vue et de travail sont basés sur le repérage et la promotion des grandes voix du monde représentatives d’une culture, d’une esthétique et d’un courant. Ici, avec le soutien du Centre National de la Musique, Ruşan Filiztek présente des chants et mélodies d’Anatolie, de Grèce et de Mésopotamie, des ballades, des extraits d’épopées de la montagne, de différents styles, des chansons d’amour, des chants festifs et des lamentations poignantes ainsi que des compositions personnelles. Le saz à sept cordes y est roi, et Artyom Minasyan au duduk y fait trois interventions.

Dans le livret qui accompagne l’album, Ruşan Filiztek commente : « Je voulais présenter d’où je viens et où je vais », et précise : « J’ai construit le répertoire de cet album avec toutes ces rencontres entre la Mésopotamie et la Grèce, entre le désert et la mer, et ici à Paris. » Sans souci est aussi le titre d’un chant qui vient de sa rencontre avec le répertoire traditionnel gallo faite au cours de festou-noz, en Bretagne, il l’accompagne d’un saz à trois cordes. « Quand je suis né, je suis né en automne, mon père et ma mère m’avaient toujours bien dit qu’en m’baptisant dans le jus de la tonne l’on m’a donné le nom de Sans souci » dit le poème.

Vibrations et mélancolies, traditions orales et cultures millénaires d’Asie Mineure sont portées par le saz et la voix de Ruşan Filiztek qui témoigne de la mémoire collective. Un album et un  parcours à écouter, et à suivre.

 brigitte rémer, le 20 février 2022

© Hugo Gester

“J’ai l’habitude de dire que la voix chantée est le miroir de l’âme. Le chant est un moyen d’expression essentiel qui touche l’humanité et la compassion en nous” dit Angélique Kidjo, marraine de la 15ème édition du Festival Au fil des voix : www.aufildesvoix.com – Album Sans souci, de Ruşan Filiztek, production Accords Croisés, dirigée par SaÏd Assadi, www.accords-croises.com – Vu le 15 février 2022, au 360 Paris Music Factory, 32 rue Myrha, 75018 Paris – tél. : 01 47 53 68 67, métro Château Rouge.

James Abbott McNeill Whistler

Arrangement en noir et or Comte Robert de Montesquiou-Fezensac     © The Frick Collection

Chefs d’oeuvre de la Frick Collection, New York – Présentation exceptionnelle des prêts de la Frick collection de New York – organisée par  les musées d’Orsay et de l’Orangerie à Paris, avec la collaboration exceptionnelle de The Frick Collection – Commissariat : Paul Perrin, conservateur peinture.

C’est une exposition qui rassemble vingt-deux œuvres – quatre peintures, trois pastels et douze eaux-fortes de la Frick Collection, ainsi que 3 peintures des collections du musée d’Orsay – dans la pénombre d’une pièce bien protégée où il règne une certaine intimité, au cœur du Musée d’Orsay. Les œuvres, acquises par le grand magnat de l’industrie et collectionneur Henry Clay Frick (1849-1919), qui a créé l’un des plus importants musées d’art européen des États-Unis, ont quitté New York pour la première fois depuis plus d’un siècle.

Né en 1834 dans le Massachussetts, James McNeill Whistler (1834-1903) grandit entre les États-Unis, la Russie et l’Angleterre. La France, où il vit de 1855 à 1859, marque son apprentissage et ses débuts, avant de partir à Londres. Il gardera toujours des liens privilégiés avec la scène artistique parisienne et y exposera entre autres au Salon des Refusés une huile sur toile, La Fille blanche, en 1863. L’œuvre y fait scandale et Whistler devient l’un des phares de la nouvelle génération des peintres symbolistes.

En 1891, l’État français achète son chef-d’œuvre, réalisé vingt ans plus tôt : Arrangement en gris et noir n°1, ou la mère de l’artiste âgée de soixante-sept ans, est assise dans sa chambre. Il traduit une certaine austérité et obscurité digne de la peinture hollandaise ou espagnole où seuls, la marquise bordant un tableau suspendu au mur, la coiffe qu’elle porte et ses mains, apportent un faisceau de clarté. C’est en ces temps-là que Henry Clay Frick bâtit sa collection, l’ouvrant dès 1910 à l’art de la fin du XIXe siècle. Il achète dix-huit œuvres de Whistler – peintures et arts graphiques – faisant de l’artiste l‘un des mieux représentés de sa collection, qui ouvrira au public en 1935.

En entrant dans la salle du Musée d’Orsay dédiée à Whistler, les huiles sur toile grands formats issues de la collection Frick, frappent et s’imposent. Arrangement en brun et noir, Portrait de Miss Rosa Corder, 1876/1878, portrait de la peintre anglaise Rosa Corder, aux bruns et noirs dominants ; Arrangement en noir et or, comte Robert de Montesquiou-Fezensac, l’un des derniers grands portraits qu’il a peints, en 1891/1892, représentant l’un des membres d’une grande famille aristocratique française et flamboyant dandy ; Symphonie en couleur chair et rose : Portrait de Mrs. Frances Leyland réalisé entre 1871 et 1874, un chef-d’œuvre de l’Aesthetic Movement ; la Symphonie en gris et vert, l’Océan, réalisé par Whistler en 1866 lors d’un voyage au Chili au moment où le pays combat l’Espagne.

(2) Arrangement en gris et noir n° 1, ou la mère de l’artiste

Du Musée d’Orsay, outre la Mère de l’artiste, sont exposés la toile Tête de vieux fumant une pipe, autrement appelée L’Homme à la pipe, visage buriné et posé, peint vers 1859 à Paris. Là, Whistler s’était nourri de peintures vues au Musée du Louvre dont Courbet, les réalistes français et l’école des peintres flamands et hollandais du XVIIème siècle, il s’était formé auprès du peintre Charles Gleyre. Dans Variations en violet et vert, huile sur toile réalisée en 1871 à la manière d’une estampe japonaise, on voit au loin sur le fleuve au coucher du soleil, un voilier, et au premier plan quelques branchages et trois femmes regardant l’eau dont l’une porte une ombrelle.

Pour compléter cette présentation des oeuvres de Whistler sont accrochés trois pastels sur papier brun teinté qui ont pour sujet Venise, dont Le Cimetière : Venise (1879), Canal Vénitien (1880), Nocturne : Venise (1880), ainsi qu’une douzaine d’estampes à sujets vénitiens dont La Petite Venise, Deux Porches, Les mendiants, Les Palais, La Petite Lagune. Ces petits formats sont remarquables dans l’art du détail.

À la faveur de la fermeture pour travaux de la « mansion » new-yorkaise de la Frick collection, l’un des plus importants musées d’art européen des États-Unis, et compte tenu de la présentation temporaire des collections au « Frick Madison » entre 2021 et 2023, un important ensemble d’œuvres du peintre américain James Abbott McNeill Whistler (1834-1903) a pu quitter New York. C’est une grande première. L’accueil que lui a réservé le musée d’Orsay, est à la hauteur. C’est une belle découverte qui montre une fois de plus les croisements entre le monde industriel et le monde de l’art, à travers la passion de grands mécènes. Telle fut la démarche de Henry Clay Frick à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. Telle est la qualité de la coopération s’élaborant entre grandes institutions, privées et publiques, pour la connaissance et le plaisir des visiteurs.

Brigitte Rémer, le 20 février 2022

Exposition du 8 février au 8 mai 2022, Musée d’Orsay, Esplanade Valéry Giscard d’Estaing. 75007. Tous les jours de 9h30 à 18h, sauf le jeudi, de 9h30 à 21h45. Fermé le lundi – métro : Solferino – tél. : 01 40 49 48 14 – site : www.musee-orsay.fr

Commissariat, Paul Perrin, conservateur peinture – responsable d’exposition, Maud Ramier – scénographie Agathe Boucleinville, architecte du patrimoine, directrice de l’architecture, de la maintenance et de la sécurité des bâtiments de l’EPMO et Antoine Rouzeau, architecte DE, chef de projet – scénographie et graphisme Charlotte Lakshmanan, graphiste aux musées d’Orsay et de l’Orangerie – conception lumière Bruno Dapaz, éclairagiste au musée d’Orsay – Publication du catalogue, coédition Musée d’Orsay/Réunion des musées nationaux/Grand Palais, (30 €) – Conférence inaugurale par Paul Perrin, vendredi 4 mars 2022, à 12h, à l’auditorium du musée.

Crédits photos : 1/ – James Abbott McNeill Whistler Arrangement en noir et or : comte Robert de Montesquiou-Fezensac [Arrangement in Black and Gold: Comte Robert de Montesquiou-Fezensac] 1891-1892, Huile sur toile, 208,6 × 91,8 cm, New York, The Frick Collection – © The Frick Collection, photo : Joseph Coscia Jr – 2/ – James Abbott McNeill Whistler Arrangement en gris et noir n° 1, ou la mère de l’artiste (1804- 1881) en 1871, huile sur toile, H. 144,3 ; L. 163,0 cm. Acquis de l’artiste par l’Etat pour le Luxembourg,1891 Paris, Musée d’Orsay – © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.

Ceux-qui-vont-contre-le-vent

© Christophe Raynaud de Lage

Conception, mise en scène et scénographie, Nathalie Béasse – au Théâtre de la Bastille.

On part de nulle part et on entre dans l’ailleurs pour arriver dans un jardin parsemé de pétales de fleurs de toutes couleurs jonchant le sol, dernière image du spectacle. Entre-temps le parcours se construit en lignes brisées, apparemment simples et évidentes, autour de trois fois rien. Mais que d’émotion ! On est au pays de l’enfance, du jeu sérieux comme quand on est petit, de l’hésitation, de l’expérimentation.

Les sept acteurs entrent par la même porte que le public, du fond de la salle, se hèlent et s’invectivent en différentes langues. Ils se plantent face aux spectateurs avant de monter sur le plateau, chargés d’une pile de linge. Ils la déplient et posent au sol ces vêtements dessinant au sol des bonhommes. Comme par magie les vêtements se déplacent tandis que les acteurs  se changent et s’habillent, chacun à sa manière.

Le spectacle se construit en séquences qui s’articulent les unes aux autres et croisent différents thèmes. Attitudes et mouvements, situations et contextes priment. Certains passages accrochent leurs mots, bien choisis, aux branches. Il y a la lettre adressée à l’absent à laquelle chacun s’essaie et que chacun lit, que certains déchirent préférant le silence plutôt que l’aveu ou la blessure. S’y mêlent la correspondance de Flaubert et les mots de Duras, Rilke, Dostoïevski, Falk Richter et Gertrude Stein.

Autour des mots le silence, l’équilibre et la chute, la perte et la mémoire. Un bouquet de fleurs blanches va et vient, et la grande nappe blanche recouvrant la table abrite les acteurs qui disparaissent, un à un, avant de réapparaître. Une actrice tombe de la table et s’évanouit dans les bras d’un garçon en un mouvement récurrent. Des fleurs de couleurs sont plantées dans le sol, comme on lance des fléchettes dans la cible. Puis les acteurs se regroupent et se couvrant d’un plastique, deviennent sculpture. Le thème de la disparition-apparition est présent dans toutes les images. Puis vient le moment des seaux d’eau, et d’acteurs qui dérapent et qui glissent, dans un amusement débridé. Un seau plein de sang, ici de peinture rouge, provoque un silence de mort et l’immobilité des acteurs. En tableau de conclusion, devant le nymphée souterrain de la villa Livia, référence à l’empereur Auguste, les actrices font éclater une armée de ballons de toutes couleurs avec la main, le pied, les fesses, laissant au sol ce qui ressemble à des pétales de fleurs.

Le titre du spectacle Ceux-qui-vont-contre-le-vent, du nom d’une tribu, est cité dans une anthologie de poèmes amérindiens, Partition rouge. On trouve ici beaucoup de références dont une à Pina Bausch. Il y a surtout un bel état d’esprit sur le plateau, inventif et drôle, un charme dû aux acteurs, de la magie.

Le travail sur la réminiscence habite Nathalie Béasse, formée aux Beaux-Arts et au théâtre, habituée du Théâtre de la Bastille où elle avait présenté quatre spectacles en 2019, sous le titre Occupation 3. Montré au Festival d’Avignon 2021, Ceux-qui-vont-contre-le-vent, au-delà des mots, joue sur le rythme, les respirations, les pleins et les déliés, l’espace vide et les silences.

Brigitte Rémer, le 15 février 2022

Avec : Mounira Barbouch, Estelle Delcambre, Karim Fatihi, Clément Goupille, Stéphane Imbert, Noémie Rimbert, Camille Trophème. Musique Julien Parsy – création lumière Nathalie Gallard, construction décor Stéphane Paillard.

Du 3 au 18 février 2022 à 20h – Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette. 75011. Paris – tél. : 01 43 57 42 14 – site : theatre-bastille.com

Les Arts de l’Islam – Un passé pour un présent

“Portrait de jeune femme à la rose”, Iran, 19e siècle © Brigitte Rémer

Exposition au Musée des Beaux-Arts de Dijon, en coproduction avec le Musée du Louvre et la Réunion des musées nationaux-Grand Palais – commissariat Dijon Catherine Tran-Bourdonneau, conservatrice du patrimoine, chargée des collections extra-européennes au Musée de Dijon.

Une manifestation d’ampleur nationale rassemble dix-huit expositions dans dix-huit villes de France* sur le thème Les Arts de l’Islam. Un passé pour un présent, initiative du département des Arts de l’Islam du Musée du Louvre, sous le commissariat général de Yannick Lintz.

Dans chaque ville, dix œuvres exceptionnelles ont été choisies, comme « témoins matériels de cette civilisation islamique aux multiples cultures, langues et religions, qui parlent, nous instruisent et nous éclairent », oeuvres faites de matières précieuses comme l’ivoire, le cristal, la céramique fine, le métal ciselé, les soies, les parchemins et papiers rares, les pierres dures. De l’Espagne à l’Inde, du Maghreb à l’Asie centrale, ces objets d’art traduisent le faste et la magnificence des pouvoirs politiques, ses plus importants commanditaires : des califes de Damas, de Bagdad ou de Cordoue, des sultans égyptiens fatimides et mamelouks, des sultans du Maroc, des rois d’Iran, des empereurs ottomans ou indiens et les influences des cultures indiennes et chinoises, ou de l’art européen. En fonction du contexte dans lequel elles s’inscrivent, les œuvres d’art du monde islamique nous plongent dans un univers religieux ou profane.

A Dijon, treize œuvres émanant des collections du Musée des Beaux-Arts, de celles de la Bibliothèque de Dole, du Fonds Régional d’Art Contemporain (FRAC) de Bourgogne ainsi que du Louvre, témoignent de la riche histoire de l’Islam et de l’importance des évolutions qui la traversent. Acquisitions du Musée des Beaux-Arts de Dijon, on peut y voir des Boîtes de toilette en ivoire et peinture dorée, du XIVème ou XVème siècle, ayant appartenu aux duchesses de Bourgogne, venant soit de Sicile, soit de Grenade et du sud de l’Espagne ; une Bouteille en verre soufflé et émaillé à décor peint, de l’Égypte mamelouke du XIVème siècle ; un Coffret de balances pour orfèvre iranien, en bois, laque, papier, métal et laiton, servant à la pesée des bijoux ou de métaux précieux, du XIXème siècle ; un Portrait de jeune femme à la  rose datant de la dynastie persane des Qajars du XIXème siècle, peinture sur verre aux couleurs chatoyantes peint au verso et orné de rehauts d’or ; un Coffret au décor de marqueterie du dernier royaume islamique de Grenade, datant du XIVème siècle ; un Poignard indien avec fourreau en métal ciselé et doré, à la poignée damasquinée d’or, du XVIIIème siècle ; deux Tapis, du XIXème siècle, l’un venant de Turquie, en laine et velours de laine, l’autre, d’Iran, en coton, laine et velours de laine, un art du tapis très prisé en Europe, à partir du XIXème siècle.

Deux précieux objets ont été prêtés par le Musée du Louvre : une Lampe de mosquée en métal ajouré, du XIème siècle, provenant de Syrie ou de Palestine et suspendue au dôme du Rocher de Jérusalem, dans laquelle est inscrit en coufique et se répète « Il n’y a de Dieu que Dieu » ; la Page d’un manuscrit, une miniature persane du XVIIème siècle représentant un haut dignitaire de la cour de l’Empire Ottoman. La Médiathèque d’Agglomération du Grand Dole a confié au Musée de Dijon Le Grand Coran attribué à Ali Quli Jabba Dar (Égypte) et magnifiquement calligraphié sous la dynastie des Mamelouks, datant du XIVème ou XVème siècle. Le FRAC Bourgogne présente une installation contemporaine intitulée Table militaire et sept tapis afghans, du sculpteur Michel Aubry, sa lecture et son regard citoyen sur les enjeux politique entre l’Orient et l’Occident, fabriquée en canne de Sardaigne, contreplaqué, onze anches et sept tapis.

“Bouteille”, Égypte ou Syrie, sultanat mamelouk, 16e siècle © Brigitte Rémer

En introduction à l’exposition nous sont montrés sur un atlas audiovisuel les principaux hauts lieux artistiques à travers le monde islamique : la Rue Ben M’hidi d’Alger (Algérie), les Jardins de l’Alhambra de Grenade (Espagne), la Mosquée du Sultan Hassan au Caire (Égypte), la Grande Mosquée de Damas (Syrie), le Palais de Topkapi à Istanbul (Turquie), les Mausolés royaux de Samarcande (Ouzbékistan), le Palais de Fatehpur Sikri, capitale de la dynastie Moghole au XVIème siècle (Inde). Par ailleurs un repérage du monde islamique en quelques dates part de la fondation de Kairouan, en Tunisie, en 670.

Le musée des Beaux-Arts de Dijon possède l’une des plus belles collections d’art islamique en France. Quelques-uns de ses chefs-d’œuvre sont réunis dans cette exposition qui s’inscrit dans une dynamique nationale. Les Arts de l’Islam – Un passé pour un présent témoigne de la circulation des objets, des formes et des techniques artistiques ainsi que des échanges noués avec le continent européen ; autour, toute une programmation culturelle est proposée sous forme d’ateliers, de nocturnes et de visites commentées, pour les individuels ou pour les groupes-classes notamment, prolongeant les thèmes de réflexion sur la place de l’image et des représentations dans le contexte religieux comme profane, la calligraphie, l’art du livre et des enluminures, la ville, le palais et l’objet comme signe de prestige social. Une magnifique initiative !

Brigitte Rémer, le 13 février 2022

Jusqu’au 27 mars 2022, de 9h30 à 18h (sauf le mardi), au Musée des Beaux-Arts/Palais des Ducs et des États de Bourgogne, 1 rue Rameau. 21000. Dijon – site : expo-arts-islam.fr

*Dans 18 villes de France : Angoulême, Blois, Clermont-Ferrand, Dijon, Figeac, Saint-Louis de la Réunion, Limoges, Mantes-la-Jolie, Marseille, Nancy, Nantes, Narbonne, Rennes, Rillieux-la-Pape, Rouen, Saint-Denis, Toulouse, Tourcoing – Publication : Les Arts de l’Islam – Un passé pour un présent, Louvre Éditions, RMN-Grand Palais (13,50 euros).

Une forme brève

© Martin Argyroglo

Chorégraphie et interprétation Rémy Héritier, à l’Atelier de Paris/CDCN.

Le danseur, Rémy Héritier, fait corps avec les pendrillons qui entourent le plateau. Il cherche à s’échapper mais en vain, glisse, tombe, se cache, fait des tentatives, sa main toujours rattrape le velours et ne peut s’en détacher. Au centre un cercle de lumière, sorte d’indice cabalistique, revient à différents moments.

Rémy Héritier dessine son labyrinthe, apparaît et disparaît, s’allonge, ébauche quelques gestes, traces toujours mystérieuses, un rien magiques, puis les efface. Il saisit une barre de métal, sorte de bâton qu’il mêle à sa gestuelle. À l’arrière-plan, côté jardin, une clôture presque invisible selon les éclairages, brouille la perception du spectateur. Plus tard, autre élément de ses installations, un plastique ni opaque ni transparent avec lequel il joue et dont il se pare, comme une âme morte.

Dans Une forme brève, le chorégraphe et danseur présente un flot ininterrompu d’actions, pas toujours décodables, qui se sculptent dans l’espace comme des installations in progress. Il inscrit sa recherche dans un cadre d’art conceptuel, quand les attitudes deviennent formes ou encore dans les zones de sensibilité picturale immatérielle d’Yves Klein. Rémy Héritier donne pour référence Roland Barthes et sa définition de la forme brève sur laquelle le philosophe s’est souvent interrogé, notamment dans La Rhétorique de l’image et Le Degré zéro de l’écriture ou dans les cours qu’il donnait au Collège de France, rassemblés dans La Préparation du roman. Barthes parle « d’acte minimal d’écriture qu’est la Notation, le Haïku » et entremêle le principe de l’image dénotée qui n’implique aucun code, les traits discontinus et la forme déviée.

Rémy Héritier est interprète, depuis 1999, de nombreux chorégraphes dont Boris Charmatz, Laurent Chétouane, Christophe Fiat, Philipp Gehmacher, Matthieu Kavyrchine, Jennifer Lacey, Mathilde Monnier, Laurent Pichaud, Sylvain Prunnenec et Loïc Touzé. Il crée ses propres pièces depuis 2005, en solo, duo ou formations diverses, diffusées en France et à l’étranger et enseigne dans différentes écoles d’art. Il est en perpétuelle recherche vers le déplacement des notions et de nouvelles poétiques du geste.

Dans Une forme brève, la danse est comme une expérience. Le chorégraphe travaille sur la ligne droite qu’il décale en courbes : « Avancer tout droit en inscrivant de la courbe, veut dire qu’il se passe quelque chose ailleurs de très léger mais de très puissant dans le haut de la tête, les épaules, le bassin » dit-il. La musique, la lumière, les interventions d’objets et la danse placent le spectateur sur le seuil du mouvement et du sens, et, définissant le point-limite, lui font perdre les références.

Brigitte Rémer, le 10 février 2022

Chorégraphie et interprétation Rémy Héritier. Musique Eric Yvelin. Lumière Ludovic Rivière. Costume Valentine Solé. Sculpture Gyan Panchal. Collaboration artistique Jean-Baptiste Veyret-Logerias (chant-voix), David Marques (regard extérieur)

Vu le 4 février 2022, à l’Atelier de Paris – CDCN, Cartoucherie de Vincennes, 2 route du Champ de Manœuvre, 75012 – site : atelierdeparis.org – tél. : 01 41 74 17 07.

Adolescent

© Frédéric Lovino

Conception et chorégraphie Sylvain Groud en étroite collaboration avec les interprètes – décors et costumes Françoise Pétrovitch – musique Molécule – Ballet du Nord-Roubaix/CCN & vous ! Au Théâtre 71 de Malakoff.

Une certaine grâce saisit le spectateur devant ce qui ressemble à une immense plage de sable blanc sur laquelle dix jeunes danseurs sont installés en des postures diverses. En shorts et débardeurs blancs tels des sportifs, ils représentent l’adolescence. Sur le mur du fond un/une ado allongé(e), grand dessin de Françoise Pétrovitch veille, comme un aigle aux ailes déployées, sur cet âge des métamorphoses.

© Frédéric Lovino

Puis ils se mettent en mouvement et à danser la vie en des figures complexes, toniques et inventives. Vitalité, vulnérabilité, émotions, inquiétudes se croisent et chacun s’interroge, se trouble, joue de mimétisme et suspend le temps, parfois seul(e) parfois signant son appartenance au groupe. Petit à petit les maillots se couvrent de traces rouges, à peine visibles au départ, ou plus apparentes, le spectateur observe cette discrète transformation.

Tirés par les danseurs, des paravents transparents traversent le plateau de cour à jardin, illustrations enfantines pleines de poésie réalisées par la plasticienne, comme cet enfant portant une poupée, ou cet autre un animal. On se croirait derrière un miroir sans tain observant des scènes de la vie ordinaire, interrompues de loin en loin par un temps en suspension.

Le chorégraphe fait un récit en différentes phases – ludique, guerrière, et pose un geste sur cet état changeant qu’est l’adolescence. Sylvain Groud a débuté avec Angelin Preljocaj. Il s’intéresse particulièrement à la relation entre la musique et la danse, comme il l’a montré dans Cordes, en 2008, pièces pour huit danseurs et vingt-quatre musiciens, Collusion, pièce pour quatre danseurs et le compositeur électro Molécule, en 2010 ; Héros ordinaires pièce pour quatre danseurs et quatre chanteurs, créée en 2012. Il aime collaborer avec des artistes d’autres disciplines, écrivains, plasticiens, vidéastes, danseurs de toutes techniques, tous alphabets. Son horizon est ouvert, en termes d’interventions artistiques dans différents milieux dont celui de la santé, son expression est multiforme. Il est à la tête du Ballet du Nord, Centre Chorégraphique National Roubaix Hauts-de-France depuis 2018.

Françoise Pétrovitch a réalisé de nombreuses expositions, personnelles et collectives, présentant dessins, peintures, céramiques et vidéos. Elle va droit au but, sans discours complémentaire ni bavardage. D’une grande justesse, elle représente entre autres un univers de personnages, d’enfants et adolescents, travaillés au lavis et à la peinture à l’huile. Elle aime le grand format qu’elle trouve parfois plus intime qu’un petit dessin, cela se vérifie dans sa proposition scénique.

Le compositeur d’électro, Molécule, passionné de son, a composé la musique et assure la fluidité entre le graphisme et le geste. La lumière (Michaël Dez) sert l’ensemble et le final enveloppe de rouge le danseur seul en scène, face au dessin qui l’avale. La synergie entre les danseurs, les regards croisés entre Françoise Pétrovitch et Sylvain Groud, font de la pièce Adolescent un pur joyau tant dans la précision des gestes que dans la représentation d’un âge charnière, souvent ingrat à traverser.

Brigitte Rémer, le 5 février 2022

Avec : Yohann Baran, Marie Bugnon, Pierre Chauvin-Brunet, Agathe Dumas, Alexandre Goyer, Alexis Hedouin, Julie Koenig, Lauriane Madelaine, Adélie Marck, Julien Raso – assistante à la chorégraphie Agnès Canova – lumière Michaël Dez – cheffe costumière Chrystel Zingiro, assistée d’Élise Dulac et Patricia Rattenni, Nathan Bourdon (stagiaire), Léa Deschaintres (stagiaire), Laure Desplan (stagiaire), Yohann Mazurkiewicz (stagiaire)- Production Ballet du Nord, CCN Roubaix Hauts-de-France, coproduction Colisée, Théâtre de Roubaix

Vu le 28 janvier au Théâtre 71 Malakoff Scène Nationale, 3 place du 11 Novembre – En tournée : 4 février, La Manufacture, Saint-Quentin – 10 février, Le Granit/ scène nationale, Belfort – 1er mars, Théâtre municipal Roger Ferdinand, Saint-Lô – 7 et 8 avril, Théâtre-Sénart/scène Nationale, Lieusaint – 21 et 22 avril, L’azimut/Pôle national Cirque, Châtenay-Malabry.

Kafka / Hölderlin – Monde neuf

© H. Bellamy, “Le Secret d’Amalia”

D’après Le Château de Franz Kafka, et La mort d’Empédocle de Friedrich Hölderlin – mise en scène : Bernard Sobel, en collaboration avec Daniel Franco – au Théâtre du 100.

 La première partie du spectacle puise dans Le Château, de Kafka et en extrait un chapitre, Le Secret d’Amalia dans une traduction de Jean-Pierre Lefebvre et une adaptation d’Annie Lambert, qui le pensent comme Le Châtiment d’Amalia. Nous sommes au milieu du roman, Olga raconte : « Il y a au Château un haut fonctionnaire nommé Sortini… » « J’ai déjà entendu parler de lui, dit K., il a été mêlé à ma nomination. » Ainsi commence le spectacle, dialogue entre deux personnages, Olga et K. qui cherche désespérément à atteindre le Château. Monologue plutôt, d’Olga face à K. qui l’écoute attentivement. Ensemble ils évoquent cette personnalité invisible et mystérieuse, puissante éminence grise au Château, Sortini. En jeu d’un côté, la sœur d’Olga, Amalia, au collier en grenats de Bohême qu’Olga lui a prêté – Amalia dont Olga est jalouse – Amalia à la recherche d’un fiancé, mais qui décline avec vigueur l’offre sordide de Sortini. D’une terrible grossièreté ce dernier lui ordonnait de monter le retrouver à l’Hôtel des Messieurs, dans la demi-heure qui suivait la transmission d’une lettre qui lui fut transmise par porteur. En déchirant cette lettre et sans le savoir, Amalia ruinait sa famille : leur père, dont elles étaient si fières, « troisième chef de manœuvre des pompiers », fut débouté de ses fonctions et personnellement anéanti par le système opaque du château.

Dans ce tête-à-tête où Olga tient le leadership en racontant son histoire familiale, se dessinent la personnalité d’Amalia qui apparaît furtivement dans cette scène (Mathilde Marsan) et la présence d’autres personnages, tous plus mystérieux les uns que les autres, dont leur frère Barnabé et la fiancée de K., Frieda, la redoutable. Les deux personnages se font face : assis à distance et vêtu d’un manteau en fourrure, K. (Matthieu Marie), est une présence forte et relativement silencieuse. Debout contre le mur du côté cour, Olga (Valentine Catzeflis) porte un tablier, et à la main un torchon blanc où elle dépose sa nervosité, concentrée à défendre et à réhabiliter sa famille. Elle pose les mots de sa voix magistrale et donne au texte une belle épaisseur. Aucun geste parasite, ni affecté, ni déplacé, le duo se construit sur cette musique de nuit que les deux acteurs portent.

 La seconde partie, après entracte, relit la troisième version de La mort d’Empédocle de Friedrich Hölderlin (1770-1843), de manière aussi dépouillée et intense. Trois versions inachevées ont été écrites pour cette tragédie politique et personnelle, dans l’attirance démesurée d’Empédocle pour la mort et l’anéantissement. C’est aussi un magnifique poème signé de l’auteur des Odes et des Hymnes, Hölderlin, incarnant le romantisme allemand et qui lui-même avait sombré dans la folie. Empédocle c’est aussi Hölderlin. « Car mourir je le veux, oui. Tel est mon droit… » dit le personnage. Matthieu Marie qui incarnait K. dans la première partie devient un magnifique Empédocle, dans la seconde. Dans une longue seconde scène il fait face à son ami Pausanias, sobrement interprété par Arthur Daniel – qui lui réitère fidélité et amour. Empédocle finit par l’éconduire à la folie et brouille les pistes, lui préférant retraite, ermitage et destruction : « N’avez-vous pas fait du souvenir un poignard ?… Non ! tu es sans reproche, mais je ne peux, mon fils ! bien supporter ce qui s’approche trop de moi. » Et Pausanias essaie de convaincre : « Je sais bien ce qui pour toi est passé, pourtant, toi et moi, nous sommes ce qui nous reste… » avant de s’entendre dire par Empédocle : « C’était mon ordre ultime, Pausanias ! La domination prend fin. »

© H. Bellamy, “La Mort d’Empédocle”

Dans son œuvre, Hölderlin crée la rencontre entre Empédocle et le philosophe Manès, fondateur du manichéisme : « Je te connais à ta parole obscure, et toi, Toi, l’omniscient, me reconnais aussi » lui lance Empédocle. « La douleur t’embrase l’esprit, malheureux » lui répond Manès. Ici, en arrière-plan et portant une longue robe, l’actrice Valentine Catzéflis en appelle à la Clarté. Dans sa quête de l’anéantissement, Empédocle s’approche de l’Etna avec le projet de s’y jeter, mais en fait ne l’atteindra pas. Il y a du lyrisme et quelque chose de musical dans les mots de Hölderlin, en même temps que du tragique, il y a de la pensée et de la poésie.

Dans chacune des parties du spectacle, créé sous la direction de Bernard Sobel et Daniel Franco, Kafka / Hölderlin, Monde neuf,  les acteurs portent le texte dans toute sa densité et en son essence même, leurs voix sont chaudes et leur présence envahit l’espace.

Brigitte Rémer, le 2 février 2022

Avec : Valentine Catzéflis, Arthur Daniel, Matthieu Marie, Mathilde Marsan – scénographie Jacqueline Bosson – son Bernard Valléry – lumière Jean-François Besnard – production compagnie Bernard Sobel – Le Secret d’Amalia, dans Le Château de Franz Kafka, traduction de Jean-Pierre Lefebvre (La Pléiade/éd. Gallimard), adaptation Annie Lambert – La mort d’Emplédocle, de Friedrich Hölderlin, troisième version, une re-visitation des traductions disponibles en français a été nécessaire pour cette mise en scène.

Les 20, 21, 22, 27, 28, 29 janvier, 5, 10, 11, 12 février 2022 à 20h00 – 100 Rue de Charenton, 75012 Paris – tél. : 01 46 28 80 94 – site : www.100ecs.fr